D’écrire l’empourquoi-toi
De hautes éraisons et de prime jeunesse
J’ai pris la langue en affection
L’ai pétrie en mes boulanges de sculpteur
L’ai voulue à sa place dans la bouche et entourée de dents
L’ai voulue émouchetée par guipure et madrague
D’où respirer et captuvivre l’âme et le poumon
Et pour emplaisir de vie et d’ouïe dire
L’ai ensoleillée et ensemaillée avec paroles de broderie
Mais pas de cette verroterie qu’exhiparent les amoureux de Carême
Non
Pas d’organdi de midinette ou de bellâtre
Rien de tout le faste des Poétueurs du corpsmonde
Rien de toute la lingerie réservée aux Orthochanteurs
Aux Mystiquailleurs pathétiques
Et autres sommateurs plus ordolents que contemplatifs
Rien non plus des médisances lettrées
Pas plus celles des Cupiscents à dentelles de viande lasses
Que celles des aseptiques éditoreurs dédouanés
Ô Marins de la chair triste
Sublimineurs de lyrismes éthérés
Avec vos jarretières encombrées de petits vices
Et tous les sévices de vos Désincarneurs théolâtres
Avec vos vases d’encens et les souliers de satin
Pour éveiller les poètes qui dorment
Aux enluminures de vos dictionnaires bibliques
Avec le bréviaire latin de vos chemins de grâce
Je reconnais en vous
Aux arrêtes du salut
Les chantres de l’Etiam peccata
Nul ne peut absoudre le mal de vos paroles
Sauf à bousiller de l’intérieur votre tour de Babel polyglotte
Débiteurs de psaumes et menteurs de Faust en faute
Toriques écrivailleurs et autres rhéteurs de luxe
Besogneux de la viande
Étrilleurs de glossaires
Douaniers vernaculaires
Tous ces normatifs m’ennuient
Oui
Car leurs mots d’agapeurs point à la chair ne touchent
N’en proviennent pas non plus
Ni ne la parlent
S’en éloignent même
Alors que moi
Oui
Je suis de l’écriturienne oralité assumée
De l’articulation des os à celle des mots
J’accepte et provoquaille l’échange emmélangé
Des mots de la chair à la chair des mots
C’est un va-et-vient d’enrichamour affineur et coïtal
La plume témoigne ou crée dispose et compose
Ecoute et peaufine
Le son traduit et impose
Propose repose et induit
Je suis le danseur incorporé du vocaternaire
À la trinité du corps parlant j’ajoute et conjugue
Penser entendre et répondre
Muscles sang et os
Salive des mots et sueur de l’âme
Et reprendre et dépenser et repenser
Je m’adresse aux entendeurs d’oreilles fécondes
Tracées puisées éprouvées par mon stylo de chair
Aux encres sanguines
Mes écritures partitionnent et intervivent
Proviennent du fond d’entrailles miennes
Sans la moindre vergogne
Elles ont la sépia musclée des sensualités
Sépia de mon sang de mes humeurs et de mes écumes
Je suis le danseur fécond
J’effleure en langue d’appel
Et mes danses-mots griffent
Écorchent et embrassent
Ô plume d’oiseau de page blanche
Écriture tectrice traîneuse de voix aux ailes cardiaques
Et mes danses mots-chantent
S’emprêtent aux lecteurs toute la moésique
Puis joyeusement s’enjouissent de vie
Ô plume d’oiseau de page blanche
D’un chant de chair à sa chair d’écouteur
Interprète encore
Sillageuses mes ailes sont d’une chair emprofondée et corpschampée
Enchantée d’organes joueurs
Enchanterelle aussi du fond de mes guitares tziganes
Et enchanteuse de présents intestinaux
De regards interpellés
De mains toucheuses qui serrent et caressent
Et tiennent le mot du bout des ongles à nos vocales
Et du fond des ornières artérielles
Avec langues doigtées
D’encre de triperie et cordes veineuses de même
Mon âme-corps et mon corps-d’âme pareillement
Se donnent et se damnent gaiement pour elle
La belle écriturienne
Ô plume d’oiseau de page blanche
Ma partition d’arrache l’être
Celle de l’autre tout
Ici nous signe et nous joue
Corps à corps et
Récicorporellement
Toute ma poïésique
Boutte et pousse et enjambe le Verbe offrander
Le Verbe donné pour ce
Je fais l’amour avec la langue Dantéros
Ma lanfemme ma land’homme
Ma verve culletée se plaît à combrecelle
D’écrire l’Empourquoi-toi
J’empétris de massa chair le fil de vie
J’ensculpte l’argile et les mots
Les pousse à faire trançon de chère lie
À joqueter le sens jusqu’à plaisir de monte
Toutes les phrases en l’esprit bien tourné
Peuvent jouer des mannequins à basse marche
J’entreventre les vocables et pourmusique l’intuidée
Enfilant d’adjectives perles consentantes
Que surfile le canevas du sens
Jusqu’à l’innocence inoculée
Alors j’informule les poïéteuses nécessitures
Et je les dis comme sonneur d’antiquaille
Bien haut et Solitaire
Mais partageur
Quelque chose m’en dit tout bas
« Ô mon pauvre amour
Ne cherche jamais à dire ton amour
Parce que ton amour ne peut être dit
C’est ton corps qui le transcrit
Ou bien fais saigner tes mots jusqu’à l’aveu
De ton ventre dictionnaire
Et livre ta chair aux mains qui te lisent
À l’affût des mots et de tes mots »
Par le verbe affûté de pierre-peau et d’ossements
Oui je les déclame
Ces suites de mots qui griffent l’existence
Car la règle est acoustique
Ma poésie d’abord s’écoute et dérange
En rythme de danseuses gaillardes
En étincelles de sens
En brasier d’indiennes boléreuses
De bacchanales enfantines
D’étonnements de gestes
Pour leur gigue ensensuelle et pourlebranlée
Je les dis
Je les récite
Pour le partage des landes rares
Pour l’envoyage repaysé
Aux paroles de vent
De pensées présentivées primesautières
Venues de viande mienne et sienne
D’entrefonds de tripes
Et de lacs d’amour ci-attachés par fête du Corps d’Elle
Ô ce Corps d’Elle promesse de vie
De tes os de puisatière de ma faim de tout toi
De tes odeurs d’appeau à peau fruitière et marine
De tes variations de suc saisonnières
De tes senteurs d’avant et d’après nos mélanchairs et mélandits
De mes pépies de tes limones d’ensourcements
De ma poussière à tes eaux potières
Je me veux livré au tour de tes mains
Alangui par tes desseins d’yeux étoilés
J’ai soif du plus profond des mots ombilicaux
D’envivre cette joie des cherchemots
Des écritures qui signent nos saisons
Qui tempocarnent nos liens de vie
Aux fidélités écloses
Inégalées
Je jette le filet de languemienne par motscéans
Laboureur de terremer
Vocabulant mes danses sauvages d’Indien de Lune
Et ma coque lourde entretracée de soc à tes terres sillonnes
Se charge de voyages calligraphiques
Qui griffent et biffent la chairtemps de mes néologies vives
Tu es le ciel
Et la nuit
Les étoiles de ta peau
Laissent deviner l’infini
L’infini partage
Et c’est là l’édifiante Exégèse
De ce qui relie la vie à la vie du cordon des limbes
Ce qui relie Nos Vies et l’entraduit de poèmes
Et de chants parleurs qui sont la vie
De chants qui les nouent dans la viande d’envie
Par désireuse existence empartagée
Par corps transfigurés
D’épiphanies de peaux
Tous nos tissages brodés d’âmincorporées
Ce surfil de la fin des menteries
Parce que tout s’incarne jusqu’à l’os multiple de l’esprit éternel
Tellurique
Et l’esprit lui-même volcanique
Ô ma planète de vie mon séisme d’être si vivant
Pour parler l’amour
Voilà pourquoi j’écris
Pour parler d’amour et pour parler tout court
Je suis l’écriturien pourparleur et j’écriparle
Trouveur de mots en un temps se disait troubadour
Ensemencez les semences d’éternité
Enracinez Zopyra d’en chacun de vous
Entendez et musiquez les pourparlers de feux-vivants
Cette Petite taxinomie de la chair légère
Humblement fleurira cunnilincte et fellatine
Âmodermique
Lyrique et rebelle
En quelque musiqueuse partita
Pour beauté de chairesprit éclose
Jusqu’aux éclats
D’incarnations
Jusqu’aux éclats
Gérard FRONTY