Chanson écrite en octobre 1986 et dédiée à Léo et Marie Ferré
Gueuler des chansons de marins
en attendant que la mort vienne
Appréhender l’amour de loin
lui mettre un petit de ma chienne
Monter la rue en poésie
pour un spectacle de trottoir
Laisser aux mots la nostalgie
de se bouffer tous nos espoirs
Faire passer cette inconnue
À l’œil d’une nuit de chimères
Lui raconter les pas perdus
du loup qui guette la bergère
Semer des fleurs dans nos draps mauves
pour ma cueilleuse de tendresse
Voyager dans son ventre fauve
en y coulant de mes ivresses
Avant de mourir je voudrais
Aimer de tout aimer de rien
et pour un mot d’ami fidèle
pleurer de joie comme un chrétien
à qui l’on promettrait des ailes
Écrire un peu comme Villon
une balade des potences
Mettre le nez des petits cons
dans le merdier de leurs sentences
Et chanter avant de partir
L’OPÉRA FOU POUR DRAPEAU NOIR
que je voudrais un jour écrire
en épitaphe au désespoir
Avec un air un peu anar
poser mon fusil de l’épaule
et venir m’accouder au bar
de mes frangins de l’autre pôle
Avant de mourir je voudrais
Prendre le temps pour des chansons
qui parle(nt) avec des mots fragiles
pas comm’ ceux qui font leur pognon
en nous prenant pour des débiles
Saluer les oiseaux de mer
de la part de mes musiciens
qui me suivront comme des frères
au gouffre où il n’y a plus rien
Vous rappeler que la misère
frappe encore chez le voisin
et que les gros des ministères
s’engraissent sur nos bulletins
Avouer que j’aimerais vivre
un deuxième quatre-vingt-neuf
pour que la liberté s’enivre
bien autrement qu’avec du bluff
Avant de mourir je voudrais
Planter des arbres millénaires
pour les enfants de l’an trois mille
Pleurer tout bat sur notre terre
où l’amour va comme un fossile
Maudire guerriers et crétins
semeurs de haine et de rancœur
tous ceux qui pillent leurs voisins
au nom de leurs lois du bonheur
Mourir enfin s’il le faut bien
prendre la mort comme une femme
lui faire l’amour cartésien
et la trousser en épigramme
Puis fredonner dernier soupir
l’opéra fou pour drapeau noir
Vous entendre pleurer de rire
en me gravant dans vos mémoires…
Gérard Fronty